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Education nationale : contractuel attend titularisation

Un projet de loi adopté par le Parlement jeudi vise la titularisation des précaires dans la fonction publique. Dans l'éducation nationale, ils auraient augmenté de 25 % depuis 2007.

Par Flora Genoux

Publié le 02 mars 2012 à 18h51, modifié le 02 mars 2012 à 18h52

Temps de Lecture 4 min.

Dans son rapport intitulé

"Il y a eux et il y a nous" : depuis quelques années, Virginie (son prénom a été changé) évite de faire part de son statut à ses collègues dans la salle des professeurs. Elle fait partie des quelque 24 000 enseignants non titulaires de l'éducation nationale, soit près de 5,8 % des enseignants, selon les chiffres des syndicats pour l'année 2010-2011. Plus des trois quarts d'entre euxsont en CDD. Depuis 2007, la situation n'a fait qu'"empirer" : la part de non-titulaires dans l'éducation nationale, essentiellement dans les collèges et lycées, a en effet augmenté de 25 %, selon les syndicats. Les agents de ce ministère seraient ainsi les premiers concernés, en nombre, par le projet de loi définitivement adopté par le Parlement jeudi 1er mars sur la tituralisation des précaires dans la fonction publique.

ULTIME VARIABLE D'AJUSTEMENT

Au regard de ce projet de loi, estime le syndicat UNSA-éducation, environ 8 000 professeurs pourraient accéder à la titularisation (soit la possibilité d'obtenir le statut de fonctionnaire) ou à un CDI (sans statut de fonctionnaire). Le ministère de l'éducation nationale avance lui le chiffre de "dix mille enseignants [qui] pourraient bénéficier d'un plan de titularisation". "C'est un premier pas, mais pas suffisant pour pallier les manques", estime le syndicat. Malgré ce texte, le SNES craint qu'une "politique du contractuel ne se mette en place".

Dès la rentrée, nombreux étaient les contractuels parmi les professeurs. Conséquence de la suppression de 66 000 postes sur la durée du quinquennat, les titulaires manquaient, poussant les chefs d'établissement à agir à la marge : heures supplémentaires pour les professeurs titulaires, suppression d'options, regroupement de classes. Le vivier de professeurs titulaires dédiés au remplacement s'épuisant, "le recours aux contractuels est exponentiel à mesure que l'année avance", estime Isabelle Poussard, permanente au SNPDEN, le Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale. "Les besoins de remplacements deviennent plus aigus en février et au printemps avec les épidémies, les congés maternités et quelques départs à la retraite", confirme de son côté Anne Feray, du syndicat enseignant SNES. Les contractuels apparaissent alors comme l'ultime variable d'ajustement. En mars 2010, le ministre de l'éducation, Luc Chatel, encourageait d'ailleurs le recours dans "chaque académie" à "un vivier complémentaire de personnels contractuels remplaçants".

PLUS DE CONTRACTUELS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DIFFICILES

"Les étudiants sont aussi moins nombreux à préparer les concours, remarque Anne Feray, il y a une dégradation du métier d'enseignant." Les résultats du Capes pèsent aussi sur le nombre de titulaires. En mathématiques par exemple, 950 postes étaient ouverts, 574 personnes seulement ont été admises au concours. Idem dans d'autres disciplines : l'éducation musicale, les lettres modernes et classiques, l'anglais. Des contractuels sont donc recrutés pour les matières générales. Un changement : il y a quelques années, ils étaient essentiellement recherchés pour des matières très spécialisées, notamment en lycée professionnel.

Les besoins varient selon les matières, mais aussi selon les régions. L'académie de Créteil se situe ainsi largement au-dessus la moyenne nationale : 12 % de ses enseignants sont des contractuels, selon Bruno Bobkiewizc, secrétaire académique à la SNPDEN. Dans cette académie, le nombre de précaires augmente mécaniquement en fonction de la "difficulté" réputée des établissements, selon ce proviseur : "paradoxalement, ce sont dans les établissement où il y a des besoins d'enseignants formés que l'on fait le plus appel aux contractuels". Les titulaires, trop peu nombreux, demandent en effet en priorité des établissements réputés plus calmes. Contacté par Le Monde.fr, le rectorat de Créteil n'a pas commenté ces données.

"ON NE S'ASSURE PAS DE LA QUALITÉ"

"Ces contractuels sont recrutés dans l'urgence, on ne s'assure pas de la qualité de l'enseignement", dénonce Anne Feray. Selon Bruno Bobbkiewizc, "il est possible de se retrouver avec des gens pas du tout sérieux, avec un avis négatif dans un établissement. Mais comme il y a un besoin dans un autre établissement, on les envoie quand même."

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Si elle affirme faire un métier qu'elle adore, Virginie raconte son désaroi : elle enchaîne les CDD et les vacations dans treize établissements différents depuis 2001. Elle a été appelée deux mois après "un entretien de dix minutes" pour enseigner dans une ZEP. Elle connaîtra encore douze autres établissements."On m'a donné un trousseau de clés et aucune pédagogie, aucun cours", se souvient l'enseignante. Virginie dit faire office de "bouche-trou". "Ce changement chaque année produit une réelle impossibilité de travailler en équipe, car à peine je commence à connaître mes collègues, les méthodes d'un établissement, que l'année s'achève", raconte-t-elle. A 42 ans, elle vient de signer un nouveau CDD pour un an. Avec ce que cela signifie également à titre personnel : "Comment construire une vie avec cette précarité ?", s'interroge-t-elle.

Malgré l'expérience qu'elle a accumulé, Virginie ne peut prétendre à l'obtention d'un CDI. Il lui faudrait pour cela avoir effectué des CDD sans aucune interruption. En réalité, les contrats sont fréquemment signés en discontinu. D'après le projet de loi, la période nécessaire resterait de six ans pour l'obtention d'un CDI, spécifient les syndicats. Elle serait en revanche ramenée à quatre ans pour la titularisation, doublée d'un examen. Une interrogation demeure cependant sur le type d'examen, selon l'UNSA : concours ou examen professionnel.

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