Sarkozy : la proposition qui ne pouvait pas plaire aux profs

Le "travailler plus pour gagner plus" du président-candidat hérisse le corps enseignant. Explications.

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Nicolas Sarkozy souhaite que les professeurs effectuent davantage d'heures dans leurs établissements.
Nicolas Sarkozy souhaite que les professeurs effectuent davantage d'heures dans leurs établissements. © Sipa

Temps de lecture : 5 min

MODIFIÉ LE 1/03/12. Qu'on n'y voie nulle trace de confusion : "un meeting est d'abord une relation entre un public et un orateur". Au lendemain du discours de Nicolas Sarkozy sur l'éducation à Montpellier, son entourage s'est certes empressé de préciser à l'agence spécialisée AEF le programme éducatif du candidat-président... mais en soulignant que les "hasards du direct" expliquaient qu'il ait omis d'évoquer ses réformes pour le premier degré.

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En revanche, le candidat de 2012 s'est souvenu de son slogan de 2007 : les enseignants sont appelés à "travailler plus pour gagner plus". Afin de résoudre d'un coup le double "problème" du manque d'adultes dans les collèges et lycées et de la "paupérisation des enseignants", Nicolas Sarkozy a affirmé souhaiter que les profs puissent passer de 18 heures de cours à 26 heures de "présence" dans leurs établissements... "sur la base du strict volontariat".

"Escroquerie" (syndicat)

Une telle mesure, a avancé mercredi l'entourage de Nicolas Sarkozy, amènera "assez logiquement" à une évolution du statut des enseignants, "dans la mesure où on modifie les obligations de service". Il ne s'agirait pas, pour autant, de créer un "nouveau corps" de professeurs à 26 heures. Mais, "peut-être", d'imaginer un "capes où les enseignants pourront choisir d'enseigner 18 heures - auquel cas ils iront plutôt en lycée - ou 26 heures".

Sans surprise, la proposition a provoqué la fureur des syndicats. Peu suspect de gauchisme, le Snalc-FGAF a fait ainsi part mercredi de sa "consternation" devant ce qu'il considère être une "phénoménale escroquerie" : "augmenter les salaires de 25 % en augmentant leur charge de 44 %".

À cette objection, le candidat, qui était invité dans la matinale de France Inter le jeudi 1er mars, a répondu que les huit heures supplémentaires proposées ne sont pas des heures de cours et ne sauraient être payées au même tarif que celles-ci, beaucoup plus éprouvantes. Certes ! Sauf qu'aujourd'hui les heures supplémentaires que font les enseignants sont majorées. Mieux, depuis 2007, elles sont exonérées de charges sociales et défiscalisées. Pour le coup, les professeurs qui ont accepté de "travailler plus pour gagner plus" n'ont guère à gagner à la nouvelle déclinaison du concept par le chef de l'État en campagne. Selon le Monde.fr, un professeur qui aurait accepté trois heures supplémentaires gagne 4 400 euros de plus par an. Pour les huit heures hebdomadaires que propose aujourd'hui Nicolas Sarkozy, le gain irait "jusqu'à 500 euros par mois". Soit 6 000 euros par an, au maximum. En outre, il ne serait pas défiscalisé.

Charges accrues

Mais pour les enseignants, la proposition semble surtout faire fi de la réalité de leur temps de travail. Toujours selon le Snalc, "le véritable temps de travail des professeurs est actuellement évalué à plus de 40 heures hebdomadaires par l'inspection générale, toutes activités confondues." En effet, selon le texte qui fixe depuis 1950 le service des enseignants (18 heures de cours hebdomadaires pour les certifiés, 15 heures pour les agrégés), une heure en classe demande en moyenne une heure et demie de travail. S'y ajoutent aujourd'hui des "heures supplémentaires année" (HSA), qui concernent 58 % des enseignants à temps complet, et des "heures supplémentaires effectives" (HSE), qui s'ajoutent exceptionnellement à leur emploi du temps (pour 12 % d'entre eux). Ainsi que les préparations de cours, corrections de copies, tâches administratives, réunions, rencontres avec les parents et autres projets interdisciplinaires. Selon une étude menée en 2008 par le ministère de l'Éducation nationale sur le travail des enseignants du secondaire, ces tâches occuperaient entre 19 et 22 heures hebdomadaires.

Mieux prendre en compte ces heures pour mieux les rémunérer, les enseignants n'y sont évidemment pas opposés. Ils craignent, en revanche, que des heures supplémentaires dans leurs établissements ne se fassent en plus de celles qu'ils assurent déjà. "Les 18 heures sont un faux problème, estime Juliette, enseignante au collège. Je ne connais aucun prof qui ne reste dans son établissement que le temps des cours. L'important, c'est de savoir ce qu'on veut faire de ces heures supplémentaires. Si elles sont au détriment de la préparation des cours, ou pour servir de surveillant ou d'infirmière, ça n'a pas de sens." "Nous sommes encore protégés, mais nous sommes nombreux à penser qu'on nous en demande déjà de plus en plus, ajoute Marianne, également professeur dans le secondaire. On craint un syndrome France Télécom. Les heures supplémentaires, elles aussi, sont censées être sur la base du volontariat. Mais il existe des pressions. Surtout si, dans le même temps, l'on confie la notation des enseignants aux chefs d'établissement !"

Fatalisme

L'une et l'autre, toutefois, s'étonnent peu de la proposition de Nicolas Sarkozy. "On s'attend depuis longtemps à ce type de réforme, explique Juliette. Elle est avancée régulièrement, à gauche comme à droite, d'ailleurs." En 2007, la candidate Ségolène Royal avait même brandi l'idée de "35 heures" de présence dans les établissements. Et, à l'automne 2011, les débats de la primaire PS avaient remis la question sur le devant de la scène... quoique discrètement.

Manuel Valls proposait, certes, en effet d'accroître la présence des enseignants. François Hollande, lui, estimait que la question, "délicate", ne pouvait être abordée que de façon globale. "Il faut mettre à la discussion un sujet qui inclut les missions des enseignants, certes, mais aussi leur formation, leur revalorisation, précisait à l'époque au Monde Vincent Peillon, conseiller du (désormais) candidat socialiste sur ces questions. Le temps passé dans l'établissement n'est qu'une partie du thème et ne doit pas être envisagé seul."

"Quel que soit le gouvernement, la question de la réforme des statuts se posera, parce qu'en effet notre métier a évolué depuis 1950", estime Jean-François, professeur de construction mécanique dans un lycée professionnel et syndiqué à la CGT éducation. "Mais il faut une grande réflexion, et pas simplement troquer 8 heures contre 500 euros." Chez les enseignants (qui, selon un récent sondage, seraient prêts à plébisciter le candidat socialiste) semble régner le sentiment d'être, une fois de plus, traités de fainéants.

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Commentaires (227)

  • dedequenamarre

    Je suis ancien chef d'établissement du second degré de l'enseignement public, j'ai voté Sarkozy en 2007 et je revoterai Sarkozy en 2012, mais s'il y a un point sur lequel sa politique a été mauvaise, c'est bien sa politique éducative. Je l'ai entendu dire qu'il demanderait aux professeurs certifiés 26 heures de présence dans le collège ou le lycée. Pourquoi pas, je n'ai rien contre... Mais il ajoute : 21 h de cours et 5 heures d'aide aux élèves etc. Je dis toujours pourquoi pas. Parlons chiffres maintenant. 21 h de cours, cela fait 3 heures supplémentaires, soit au tarif actuel 442 €. Si le salaire du professeur est augmenté de 500 € par mois, cela veut dire que les 5 heures d'aide aux élèves seront payées 500 € moins 442 € = 58 € pour 5 h par semaine, soit 20 par mois ! Tarif horaire 2, 9 € ! J'ose espérer que le président n'a pas fait le même calcul que moi, parce que là, ça tient d'un mépris invraisemblable pour les enseignants ! Vous allez vous dire, pourquoi ce monsieur va-t-il continuer à voter Sarkozy ? Eh bien, il y a le reste, et là, il a été bon (face à la crise en particulier), et puis sincèrement, son principal adversaire n'a pas le niveau, j'avoue même que je serais honteux d'être français s'il devenait président.

  • al34667

    Je pense que les mauvais résultats de nos élèves sont dus en partie à des réformes toujours renouvelées sans attendre quelque résultat.
    De plus si réformes, il doit y avoir, il faut commencer par le primaire. Il faut également renoncer au collège " unique ", remettre l'apprentissage et ne pas faire croire que tous sont capables de suivre des études universitaires.

  • spip

    @ Ericka : vous avez 100 fois raison, le problème, catastrophique pour la société et ingérable pour les enseignants du second degré, c'est l'illettrisme d'une partie des élèves sortant du primaire. Mais la faute à qui : à vos collègues du premier degré qui ne feraient pas leur travail, à des réformes stupides des méthodes d'enseignement, à la démagogie de ceux qui veulent envoyer tout le monde dans le secondaire, aux parents qui démissionnent, à la civilisation des écrans et des SMS... ? Je suis un simple citoyen qui n'appartient pas au sérail et en ce qui me concerne, je ne connais vraiment pas la réponse.